Hi! PARIS est le nouveau centre de recherche sur l’analyse des données et l’intelligence artificielle dans le domaine de la science, le business et la société, créé par l’Institut Polytechnique de Paris (IP Paris) et HEC Paris et récemment rejoint par Inria (Centre Inria de Saclay).
Qu’est-ce qui caractérise le trading à haute fréquence ?
L’expression désigne les passages d’ordres d’achat et de vente sur les marchés financiers sur une fenêtre de temps extrêmement courte, de l’ordre de la nanoseconde, généralement en réaction à des évènements. Par exemple, lorsque la Fed [Réserve fédérale des États-Unis, ndlr] décide de baisser ses taux d’intérêt, les opérateurs de trading à haute fréquence vont placer des ordres une nanoseconde après que l’annonce macroéconomique soit faite.
Qui réalise ces transactions ?
Évidemment, les humains ne peuvent réagir à cette échelle de temps. Le trading à haute fréquence se caractérise par deux phénomènes. Il s’agit d’abord d’un trading automatisé : il nécessite l’utilisation d’algorithmes et d’ordinateurs pour passer des ordres. Ensuite, il doit réagir extrêmement rapidement aux événements du marché, qu’il s’agisse d’annonces macroéconomiques ou de changements au sein du marché comme des mouvements de prix.
Cette automatisation n’est pas nouvelle.
Si je prends le cas de la Bourse de Paris, nous avons eu longtemps cette image d’opérateurs criant leurs ordres autour de la corbeille. Ce n’est plus le cas depuis 1986, lorsque cette corbeille a été remplacée par une mémoire vive d’ordinateur. Depuis, les traders réalisent leurs transactions un peu partout dans le monde via des terminaux en ligne. Ce mouvement d’automatisation a commencé à la fin des années 1960 et a pris fin pour les marchés actions au début des années 90. Cette automatisation a conduit à ce qu’on appelle le trading algorithmique, puis, depuis une vingtaine d’années, au trading à haute fréquence.
Quelle est la part de ce trading à haute fréquence ?
Sur les marchés des actions, on estime qu’il y a à peu près deux tiers des transactions qui sont réalisées par ces traders à haute fréquence. Cela peut paraître élevé, mais ce n’est pas si étonnant. C’est un peu comme les supermarchés : si ces derniers représentent une grande partie des transactions liées à la consommation en France, ils ne sont que des intermédiaires. Les traders à haute fréquence ne sont pas les détenteurs finaux de titres, mais des donneurs d’ordre. Ils ne détiennent les titres que très peu de temps en général.
Que reste-t-il de l’expertise humaine ?
Il est vrai qu’elle a beaucoup évolué. Les traders que l’on voit souvent dans les films, derrière leur ordinateur ou au téléphone pour donner leurs ordres, ont généralement été remplacés par des ordinateurs et des algorithmes. Aujourd’hui, ce sont en majorité des informaticiens qui réalisent le développement des algorithmes de trading. Ils sont recrutés par des sociétés spécialisées, notamment dans le trading haute fréquence. Ces profils peuvent donner un avantage concurrentiel certain, car ils ont une expertise dans l’écriture de codes spécifiques au trading et ont développé une expertise pour optimiser la vitesse d’accès au marché.
Le marché est-il prévisible au point de se passer de l’expertise humaine ?
Si le trading à haute fréquence nécessite un algorithme embarquant les bonnes stratégies, elles sont, c’est vrai, bien connues des marchés. Il n’y a que l’échelle de temps pour les mettre en pratique qui est beaucoup plus courte. Optimiser cette vitesse d’accès au marché est donc crucial parce que ce temps de réaction est primordial : l’opérateur qui a un temps de réaction plus court détient un avantage concurrentiel indéniable. Ces compétences techniques sont très particulières et concernent généralement des personnes qui ont une formation en computer science par exemple.
S’il y a bien un domaine de l’économie où l’on peut parler de big data, ce sont les marchés financiers. Ils génèrent chaque jour énormément de données sous forme digitale. Chaque transaction, chaque soumission d’ordre est une nouvelle donnée. Il est donc nécessaire pour le trading à haute fréquence de souscrire à des flux de données qui sont vendus par les bourses. Cela demande une expertise technique très poussée et ce sont des investissements technologiques qui sont à la fois coûteux en capital humain, mais également en ordinateurs.
Le coût d’entrée au trading à haute fréquence est-il élevé ?
Il est évident que des investisseurs comme vous et moi n’ont pas le capital suffisant pour profiter des opportunités offertes par ce trading ultra-rapide. Le principe des investissements à haute fréquence, c’est d’obtenir des profits modestes à chaque transaction. Ce sont de tout petits profits, mais comme ces transactions sont répétées un très grand nombre de fois, on arrive très vite à des profits conséquents. Si l’investissement est important, la prise de risques est minimale, car les stratégies sont connues et le temps de réaction est optimisé pour profiter au mieux des opportunités. La partie imprévisible est relativement faible. Les firmes de trading haute fréquence se sont donc largement développées ces dix dernières années. Désormais, les profits réalisables sont beaucoup plus faibles.
Un grain de sable peut-il enrayer cette machine algorithmique ?
Il y a plusieurs cas célèbres d’instabilité provoquée à la fois par les algorithmes et au détriment des algorithmes, notamment le flash crash de 2010 aux États-Unis. L’effondrement boursier a duré un peu plus de 30 minutes et n’est pas dû directement au trading à haute fréquence, mais il a amené ces opérateurs à arrêter leurs algorithmes, ce qui a probablement amplifié le krach. Et puis, comme toujours avec les algorithmes, il peut y avoir des défauts de conception, des bugs qui n’ont pas été anticipés. Cela a été le cas en 2012 pour Knight Capital, une grande firme de trading américaine, un des quatre grands opérateurs de trading à haute fréquence. Un jour, un de leurs algorithmes a eu un bug : Knight Capital a enregistré rapidement une perte de 440 millions de dollars et a frôlé la faillite.
Y a‑t-il d’autres facteurs de risque ?
Un sujet demeure encore trop discret, c’est le risque d’une intrusion d’une plateforme ou d’un opérateur algorithmique. Un piratage mal intentionné, par exemple terroriste, pourrait très fortement déstabiliser le marché.
Et l’intelligence artificielle va-t-elle jouer un rôle à l’avenir ?
On peut s’attendre à ce que l’industrie du trading utilise ces outils un jour ou l’autre. Un début de réflexion a d’ailleurs été mené dans un autre domaine que l’industrie financière, celui de la vente en ligne. Les régulateurs, notamment en Angleterre et aux États-Unis, ont démontré qu’il y avait une collusion entre algorithmes. Prenons les algorithmes de pricing d’Amazon par exemple : ils sont fondés sur une intelligence artificielle basée sur le learning first, un processus d’auto-apprentissage pour retarifer les produits. Mais ils ne se contentent pas de monter ou de baisser les prix selon le contexte, ils trouvent des moyens de pratiquer des tarifs non concurrentiels. S’ils ne sont pas codés pour cela, ils découvrent des moyens de faire des profits en créant des collusions implicites.
Optimiser la vitesse d’accès au marché est crucial car le temps de réaction est primordial.
Cette question ne s’est pas encore posée pour les marchés financiers, mais elle le sera bientôt, parce qu’elle relève de la même problématique. Dès 2017, BlackRock, l’un des plus importants gestionnaires d’actifs financiers américains, a commencé à utiliser des techniques d’intelligence artificielle pour prévoir les rentabilités et effectuer ses allocations de portefeuille. La firme s’appuie également sur le big data dans le cadre des stratégies d’investissement quantitatives et traditionnelles. Quant à la banque d’investissement JP Morgan, elle a déjà annoncé le développement d’un outil prévisionnel basé sur l’intelligence artificielle afin d’anticiper les décisions des banques centrales.
Props recuellis par Jean Zeid
Cet article fait partie de la série « IA & Business », en partenariat avec HEC Stories. Découvrez le deuxième épisode « Capital risque : une course à l’IA se profile ? » en cliquant ici.
Author: Nicholas Scott
Last Updated: 1702790762
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